in Versante Ripido 1 novembre 2014
(italiano)
"Ceux et celles qui enseignent indirectement.
Pour une poétique des images." Ida Travi interviewé par Paolo Polvani
Je suis à connaissance d’un mystère, je sais l’ordre précis d’un mystère – On dirait qu’il est comme ca. Mais quel est le mystère des mots en poésie? Et qui sont les Tolki, les gens parlants?
Il y a quelques années. Luigi Bosco, dans une note à Tà poesia dello spiraglio e della neve, a écrit de cette poésie comme d’une chose qui entrouve un pacte de confiance, et c’est vrai, il s’agit d’un pacte qui est au cœur de l’écriture : quand il est, on doit croire totalement à la poésie parce qu’elle renvoye constamment à d’autres choses… C’est pour ςa que la poésie est très dangereuse.
Dépuis Tà il y a les trois livres successifs, et je tiens à rappeler les notes de Alessandra Pigliaru qui les accompagnent. Là, dans ces trois livres, on trouvent les Tolki, les gens parlants. Les Tolki sont des gens ordinaires, sacrés et misérables, mystèrieux et simples. Ils parlent une langue réduite à l’os. Ils vivent dans un lieu austère. D’eux on sait peu. Tolki…: je veux dire en poésie ce mot comme un néologisme qui rappelle l’ancien mot anglais “talk, oui – to talk” comme s’il était un document, le fragment d’une ancienne langue perdue, érodée par le temps, ou l’annonce d’une langue à venir.
Je pense un Tolki comme un parlêtre, un être marqué par la Langue. Parlêtre est un néologisme de Lacan qui fusionne l’être et le language, dans l’acte de la prononce. Les Tolki sont mystèrieux parce qu’ils sont notre passé qui s’est déjà fusionné avec le futur, ils sont des êtres qui travaillent et qui ne travaillent pas, qui dans le combat contre la poésie se prennent la responsabilité d’un mot dur comme une faute. Les Tolki usent les mots comme s’ils avaient à la main un outil pour travailler la terre, ou pour abattre un mur.
Je ne sais pas quelle terre, je ne sais pas quel mur. Être à connaissance d’un mystère c’est, donc, faire partie du mystère qu’est la vie, et en être coscient. Ce mystère sont nos mots. Les mots nous appartiennent, sont à nous, ils sont nous assignés, comme la boîte des clous. La langue est un outil rudimentaire. Pour utiliser au mieux cet outil sur la terre on doit avoir beaucoup d’imagination.
En lisant tes écrits poétiques la première question qui me vient spontanément à l’esprit est: Que petite fil gamine as tu été?
J’ai un certain âge et je viens d’un monde ancient. Ma mère était enseignante dans un petit village au sud de Milan, mon père était vendeur voyageant. Donc, chez moi, il n’y avait personne, et j’ai passé ma première enfance dans une ferme de la Lombardie, avec une nourrice près d’une famille de fermier. Envoyer les enfants près d’une nourrice à la campagne était une forme arcaique de babysitter. Mes parents vivaient à Milan, je vivais chez ces fermeurs, dans une cour commune, dans la chambre dans la quelle nous vivions le jour il y était une table, la cheminée, des chaises et le poêle. Au premier étage, dans la chambre danslaquelle on dormait la nuit, il y étaient plusieurs lits, c’était comme dans un dortoir, et au fond le berceau. Derrière la maison s’étendaient les champs. Nous vivions en suivant le rytme dicté par les besoins de la terre et des animaux. Tout était simple et en même temps compliqué, tout était plunge dans un brouillard conflictuel et transmutant: la vie elle-même c’était magnifique.
Dans la ferme personne n’écrivait, on parlait peu. Dans la cour les chantilenes se confondaient avec le cocorico du coq et le braillement de l’âne. Après le coucher du soleil, certaines fois, on écoutait la radio. Quand a commencé l’école, pendant des années je suis allée et venue de la campagne à la ville, de la enseignante au fermier. Mon enseingnante écrivait avec de la craie, le fermier me montrait l’arbre, moi, j’apprenais les noms. Parler et écrire sont en moi deux puissances et deux mondes.
Les enseignants et le rapport entre oralité et écriture. Dans un recent article tu as parlé de la poésie des images..
J’ai trouvé des enseignants dans le cinéma et en fait c’est n’est pas bizarre: ma poésie est très caractérisée par l’oralité, mais on doit considerer que dans la transmission de la connaissance il n’existe pas l’opposition entre oralité et écriture: entre l’oralité et l’écriture s’etend le royaume des images.
Ce sont de très grandes questions, dont nous mesurons toujours l’ampleur, il est suffisant penser aux petroglyphs, aux anciennes formes de pictogrammes… Et aujourd’hui? Il y a un siècle le cinéma a mis de nouveau le mot en rapport avec les images en movement et à sa manière il a souligné ce rapport: dans le cinéma muet, par example, les mots étaient écrits, ensuite avec le cinéma sonore on récupere la voix et disparait l’écriture. C’est le rapport entre écriture et images qui m’attire, dans le cinéma comme dans la poésie.
Revenant à la littérature je prouve un amour sans bornes pour les grands noms de la littérature, pendant des nuits et nuits beaucoup des lampes se sont allumées sur le poètes grecs, sur la grande littérature russe, sur les poètes lyriques, jusqu’aux avant-gardes du 900, tout celà s’est enraciné en moi comme une grande haϊe eternelle, et j’ai compris dès le début que mon travail (devoir- tache) n’ était pas celui de suivre la “parole” haute des autres: je devais chercher une “parole” plus petite, beaucoup plus petite, la mienne.
Je sentais que je douvais trouver une parole à ma hauteur. De ma hauteur je voyais le monde et de ma hauteur je voulais le rendre. Il était un âge ingrat, tête baissée je sentais toute la puissance d’un mot à ma taille. Je sentais qu’il était très lourd et donc c’était suffisant. Et où était ce mot? C’était une lutte: je cherchais de comprendre les mots, mais il n’était pas suffisant. Pendant des heures e des heures je réfléchissais sur les mots, mais ils échappaient à mon controle. Et comment il était noir mon tablier! Après jours et jours sur les livres je revais d’entrer dans ma classe en disant, tête haute: “je vous en prie, ne m’interrogez pas, car je ne sais pas rien, rien!” Puis, l’experience des maîtres indirects… Grace à cette experience j’ai compris que je pouvais apprendre librement et indéfiniment, au-déla de toutes situations clairées, au-déla des livres, au-déla de la évidence (compréhension humaine), au- déla de la parole. C’est une experience banale, au fond il a était un moment. Il a été comme ouvrir un langage entremelé sur soi-même. On peut dire comme une fenêtre ouverte.
Je vous pose la question: qu’est-ce que c’est un maître indirect?
Un maître indirect n’est pas ton prof, mais c’est toujours celui qui enseigne dans une autre classe. Son enseignement parvient jusqu’à toi ailleurs. Une enseignante indirecte n’est pas en face de toi, mais parfois sa voix arrive à toi. Tu fais de la littérature et tu sens que ici on parle d’histoire, tu fais de l’histoire et tu sens que delà on fait du dessin. Toi, tu dessines et tu sens que delà on éclate la musique. Puis, quand tu études, tu découvres que près de toi il y a un cinéparc, tu le sais parce qu’on entendent les voix. Tu écoutes et tu finis la scène avec les images invisibles suscitées des voix: tu les ecris! Tu es une jeune fille (une gamine) et tu te demandes: est-ce que les images peuvent-etre écrites? Tu ne le sais pas, mais tu fermes le livre et tu vais au cinéma. Tu entres dans le cinéma et tu vois qu’il est un film de Godard. Tu regardes le film en aspirant doucement ta première cigarette, et quand tu sors, toi tu sens différente, tu sautes et tu dis bonjour à Monsieur Godard. Bonjour Monsieur Godard! Il te semble de le connaître, tu le salues comme s’il était ton maître, un de ceux indirects. L’avantage d’un maître indirect c’est qu’il ne sait pas de l’être et il ne te juge pas. Chez toi en revenant à tes livres, tu te rappelles des mots prononcés avec les images. Ce sont, bien sur, des images, mais, tout à coupe, tu es sûre que un jour tu auras tes images… et tu les écriras, mais plus petites, beaucoup plus petites. Pour tout cela, après tout, entre les pages que j’ai écrit on trouvent des traces d’une cinématographie spéciale. Pour cinématographie spéciale j'entends iςi ce terme qui renvoie, de manière tête-bêche, à la cinématographie de Bresson ou plutôt pour images: il y a une écriture, y sont des images. Le renversement c’est que sur la page les images sont invisibles, elles sont en apnée. Elles n’ont pas un corp, toutefois s’habillent d’écriture là sur la page pas des modèles, aucun acteur, pas de routes, rien de maisons, seulement de noms. Des noms, seulement. Donc c’est un très grand projet, c’est un énigme… Et alors? Je l’ai dit avant. Il faut de l’imagination. En forcant la racine du terme, on doit relier l’image à l’action! Donc faire de la poésie, faire de la littérature. Là sur l'écran, jusqu'au dernier respire, les images passaient et disaient: “Je te regarde depuis dix minutes et je ne sais rien, rien, rien. Je ne suis pas triste, pas de tout, mais j'ai peur”.
Toi, tu écris: “Le premier livre que nous lisons marque la sortie de notre enfance, il marque la sortie du magique et il achemine un procès irréversible d'imagination, qui est une autre chose”.
Pour moi il a été ainsi: lorsque j'apprenais à lire je conquérais un monde et j'en perdais un autre. Je perdais le monde en rélief dans les signes vivants et je conquérais le monde caché dans les signes écrits. Magique c'est le monde dans lequel nous sommes plongés avant d'apprendre à écrire, magique même si terrible. Le monde magique, enfantine, c’est un monde mobile, flottant, peuplé de parlants, enfermé dans les sons. Il était magique parce que de ce monde nous ne devions pas rendre les preuves. Le monde était un conte de fées possible, magnifique et cruel. Il était tout. En apprenant à écrire nous avons appris à nous représenter le monde en petites parties pour pouvoir le transcrire. Je ne le sais pas... je n'ai pas de théories spéciales, c’est seulement ce que je pense.
Je ne veux pas faire tort à personne / je ne veux enchanter personne / je voulais apprendre seulement de l'hirondelle. Ces vers sont très beaux. Pourtant la force de ta poésie reste dans la fascination, dans le pouvoir seducteur de la parole.
C’est difficile enchanter quelqu'un en ayant intention de le faire: l'enchantement est sans intention. Il crée une compréhension spéciale des choses. Le vers "je ne veux enchanter personne" naît du fait, peut-être, que je ne veux pas enchanter personne, c’est à dire je ne veux pas embrouiller personne...il faut faire beaucoup d’attention parce que parfois enchantement et poésie rasent l'enchevêtrement. Pour cette raison j'écris de très brèves poésies: dans lesquelles entre seulement le nécessaire, rien fumée dans les yeux. La poésie pour moi est un renoncement continu, c'est le contraire de l'enchantement.
Tu verras l'épaule de ton voisin haut dans le signe noir. Plus que des images les tiennes elles semblent des illuminations. Combien de Bouddhisme y-a-t-il dans ta vision?
Quand j’ai écrit “L’aspetto orale della poesia” (l’aspect oral de la poésie), dans la seconde moitié des ans' 90, j'étais en train d'émerger d'une décennie d'étude et d’amour pour l'histoire de la philosophie. En particulier la philosophie grecque ancienne et la philosophie de grandes penseuses du 900 (du dix neuvième siècle). Je me réfère içi à Maria Zambrano, Hannah Arendt et Simone Weil, les inévitables, celles qui ont fait d'une position marginale leur point de force. Dans cette période est aussi née ma passion pour la philosophie orientale. Oui, un vieux volume d'histoire du bouddhisme Ch'an est resté dans mon bureau pour ans. Le bouddhisme Ch'an fut dans les siècles la transformation du bouddhisme indien interposée par le Tao, et qui pour certains aspects le long des siècles se jettera dans le Zen. Je crois qu'il vienne de là l'idée du silence à assumer parce que on puisse nous rétourner comme parole. C’est le geste du se dérober au dilemma, (aut aut), ou céci ou celà, c’est la voie du franchissement des contraires.. et l'idée fondamentale pour lequel le sage, l'embrasé n'est pas autre qu'un être commun, ces choses arrivent de là. Le langage est notre convention la plus profonde. C’est une convention profonde qui ne pourra pas rendre jamais compte de la nature des choses. Il est déplacé toujours au monde, ou il le manque ou il l'excède... pourtant il le saute continuellement.
Quelle est la fonction sociale de la poésie?
La poésie est une de ces choses inutiles parmi lesquelles on peut aller au de-là des choses comme elles sont. Celui qui écrit poésie montre à soi même et peut-être aussi aux autres qu’il y a un espace dans lequel rien et personne ne commande, personne ne peut y mettre pied. Même pas les grands. Il vaut en littérature aussi: on grandit beaucoup d'en aimant tout ce qu'en refusant. Et, surement, il ne sert pas tenir tout. De ma position marginale un beau jour j'ai compris que ce qu'il m'était offert était trop. Tout était trop, je voulais faire seulement ma partie, il ne m'attirait pas l'absolu. J'ai retrouvé cette dimension revendicative vis-à-vis d'un anéantissant tout dans la pensée de la différence sexuelle et dans l'indication précise du partir de soi. Parler est déjà une action. Écrire est encore une action. Dans cette politique vue comme la place ouverte de la nôtre immense et appauvrie polis, la poésie est le lieu commun, et en même temps le privilège de tous.
Que relation existe entre tes vers et la réalité?
Je ne sais pas dire ce que c'est la réalité mais j'expérimente chaque instant quelque chose que j’appelle ainsi. La réalité , on l’a appelé ainsi. Maintenant, à travers le langage, comme est-ce que nous pouvons séparer la réalité de son nom? En poésie c’est la même chose: celui qui écrit avance ou recule en même temps soit sur le niveau éthique que sur le niveau esthétique, dans la grande boîte existentielle. En pratique j'ai découvert qu'il est possible de créer nouveaux rapports entre les mots et les images. À chacun son petit miracle. J'écris Olin et on est apparu un homme. J'écris Inna et on est apparue une femme. Je dis et j'écris les Tolki et ils sont apparus. Il y a un interstice entre poésie et narration. De toute façon c’ est de vers en vers, c’est continuant à donner un nom aux choses qu’on poursuivre la comparaison avec la réalité: maison, terre, table, fenêtre. Pour ce qu'il me concerne il en sort une position je ne dirais pas moral, je ne dirais pas idéologique, mais, bien sur, une position, une position précise devant le réel. De cette position tout est plus clair: la réalité nous reste devant, et, pourtant il nous abuse, il nous tient en ôtage.
Bien que lumineux, tes vers transmettent une inquiétude profonde. Est-ce que, peut être, le sens de ta poésie? Nous révéler l'inquiétude que nous habites?
Même sans la poésie, l’inquiétude est dans nous, dans nous comme une épine. L’inquiétude est notre condemnation, mais aussi notre salut. La poésie nous ne révele rien. La poésie ne révele pas de tout si nous ne la mettons à nue.
(traduction par Maria Rosaria Lasio)